DÉCEMBRE 2007  
VOLUME 1 | NUMERO 4  
 
 

Être membre de l’AQCIE : un choix rentable

Par Serge Bergeron
Président du Conseil de l’AQCIE et
Directeur, Développement stratégique des opérations, QIT Fer et Titane

Plus que jamais, avec la hausse vertigineuse du dollar, nos entreprises doivent être compétitives. En fait, c’est une question de survie, de maintien ou non de leurs opérations. Or, pour bon nombre d’usines, les coûts de l’électricité, qui s’élèvent en moyenne à 25 % pouvant aller jusqu’à 60 % pour certaines, représentent un facteur de compétitivité incontournable. Plusieurs représentants de grandes entreprises ont d’ailleurs fait état de leurs préoccupations concernant les tarifs d’électricité, à l’occasion d’un colloque organisé par Investissement- Québec, auquel j’ai assisté à la fin octobre.

Bonne nouvelle, le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, M. Raymond Bachand, qui était présent, a pris parti en faveur de l’importance de favoriser la compétitivité des entreprises, rejoignant en cela les demandes historiques de l’AQCIE en faveur d’une politique tarifaire stable, juste et prévisible. D’ailleurs, il me semble important de souligner à quel point le discours que nous portons depuis plusieurs années, et avec plus de force encore depuis l’adoption de la loi 116, a marqué des points tant à la Régie que dans les instances gouvernementales, qu’auprès des chercheurs et dans l’opinion publique.

Que ce soit notre démonstration relative aux limites du modèle de l’exportation massive de l’électricité au détriment de la transformation sur place ou encore l’analyse économique que nous avons commandée relativement aux dépenses d’exploitation des grands industriels, qui se chiffrent à 14 ¢/kWh. Dans tous les dossiers, nous avons réussi à faire progresser le point de vue de la grande industrie.

Nous avons aussi réussi de très bons coups devant la Régie de l’Énergie, vous le verrez dans les textes qui suivent. D’abord, en limitant les hausses de tarifs de 4 % entre les demandes d’Hydro-Québec et les augmentations réelles depuis le début de la réglementation des tarifs par la Régie de l’énergie. Par exemple, en 2007, pour une facture de 10 M $/an, on parle d’économies de 365 879 $. Nous vous invitons à faire vos propres calculs.

Puis, l’AQCIE a obtenu que la Régie modifie la façon dont les frais de transit sont calculés dans les tarifs, ce qui se traduit en 2007 par une économie pour les grands industriels de quelque 11 millions $, qui se réalisera en 2008.

Ce rôle de représentation que joue l’AQCIE bénéficie à toutes les entreprises, qu’elles soient membres ou non de l’Association. Nous considérons qu’avec les enjeux cruciaux auxquels nous avons à faire face, en raison aussi de la complexification du dossier de gestion de l’énergie, il est important qu’un plus grand nombre d’entreprises deviennent membres, appuyant de ce fait nos revendications, aidant à financer nos activités notamment les experts qui présentent nos preuves devant la Régie de l’énergie et participant à la défense des grandes entreprises consommatrices d’électricité. C’est une question de force de représentation qui, plus elle sera grande, meilleure sera notre influence. C’est également une question d’équité entre ceux qui défraient la représentation via nos cotisations et ceux qui ne font que bénéficier de notre travail sans être membre de l’Association.

Nous sommes confiants que notre effort de sollicitation de nouveaux membres sera couronné de succès, car déjà plusieurs entreprises ont manifesté leur intérêt. Si vous êtes de ce nombre ou connaissez de potentiels intéressés, prenez contact avec nous.

Je profite de ce dernier bulletin de 2007 pour vous souhaiter de très joyeuses fêtes. Profitez bien de ce moment de repos avec vos proches pour vous ressourcer et recharger vos piles! Au plaisir de vous retrouver l’année prochaine !


41 M $ d’économies pour les clients d’Hydro-Québec
L’AQCIE convainc la Régie d’introduire un compte d’écart

Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE

Le réseau de transport dessert deux grands types d’usagers, d’une part Hydro-Québec Distribution (la distribution), qui fournit l’électricité aux consommateurs québécois, et d’autre part, les usagers qui utilisent le réseau de transport aux fins d’exporter sur les marchés limitrophes (le transit). Il est donc essentiel de distinguer la part qui doit être assumée par chacun de ces types d’usagers.

Les tarifs d’électricité sont établis prospectivement à partir de données prévisionnelles pour une année donnée, par exemple 2008. Pour ce faire, on examine les données historiques (2006) et on considère les projections de coûts et de revenus pour l’année en cours (2007). C’est ainsi que TransÉnergie (le transporteur) soumet des prévisions quant aux revenus qu’il anticipe de ses activités de transit pour l’année à venir. La charge qui sera imposée au Distributeur pour desservir le Québec sera ensuite établie en déduisant cette prévision de revenus de transit du revenu requis total de
TransÉnergie. Les tarifs des usagers québécois seront établis en conséquence.

Alors, quels que soient les revenus touchés par TransÉnergie pour les activités de transit, il assume le risque de ses prévisions. L’AQCIE a toujours été inconfortable avec cette façon de faire, car il est dans l’intérêt de TransÉnergie de minimiser son risque en soumettant les prévisions les plus conservatrices possibles. D’ailleurs, l’AQCIE a argumenté que les revenus de transit sont tributaires d’incertitudes quant aux conditions de marché et d’hydraulicité, qui sont hors du contrôle du transporteur et difficilement prévisibles. Un relevé des données historiques des prévisions en relation avec les revenus réels pour chacune des années depuis le début de la règlementation des activités de TransÉnergie a démontré des fluctuations tous azimuts sur cette question.

L’AQCIE a donc convaincu la Régie l’an dernier d’introduire un compte d’écart, qui comptabilise la différence entre les revenus réalisés et les prévisions. À la fin de l’année, on établit le solde du compte, et on en disposerait 30 jours suivant la publication des états financiers d’Hydro-Québec l’année suivante. Le solde au compte porte intérêt au taux du coût moyen pondéré de la dette d’Hydro-Québec.

C’est ainsi que les tarifs de distribution proposés à la Régie au 1er avril 2008, intègrent le bénéfice de cet ajustement qui se chiffre à 41,3 M $. Ceci équivaut à une baisse de tarif de 0,4 % pour l’ensemble des usagers. N’eut été de ce gain réalisé par l’AQCIE, les augmentations proposées par le Distributeur au 1er avril 2008 auraient été de 3,3 % au lieu du taux de 2,9 % présentement sous étude.

Si on considère une facture annuelle de 10 M $, c’est une économie de 40 000 $ pour un grand industriel, qui se réalisera en 2008. Bien qu’il ne sera plus possible de chiffrer ces économies dans l’avenir, puisque les prévisions de revenus effectuées par TransÉnergie pour ses revenus de transit ne se feront plus dans la même optique, il n’en demeure tout de même pas moins que les usagers ne seront plus exposés aux risques des aléas prévisionnels des revenus de transit. Il s’agit d’un gain appréciable et récurrent pour tous les consommateurs, particulièrement pour les grands industriels, pour qui cela fait une différence importante sur la facture.

L’AQCIE réclame des hausses tarifaires différenciées

Quoi de neuf à la Régie ?

On sait que l’interfinancement des tarifs résidentiels par la grande industrie est un enjeu qui nous préoccupe beaucoup, surtout dans une perspective où l’on juge que nos tarifs doivent demeurer compétitifs pour assurer notre développement. Cet interfinancement coûte plus de 200 M $ par année à la grande industrie et fait en sorte que notre facture est 13 % plus élevée que ce qu’il en coûte pour nous desservir.

Cet enjeu revêt une importance capitale dans un contexte où l’on fait la promotion des économies d’énergie, alors que les approvisionnements patrimoniaux à bas prix ne suffisent plus à fournir le Québec et que le coût marginal des approvisionnements dépasse 8 ¢/kWh. Nous croyons que les économies d’énergie passent avant tout par un bon signal de prix.

La Régie de l’énergie, consciente de cette problématique, décidait l’an dernier, après avoir entendu toutes les parties sur cette question, que l’avantage qui est prévu dans la loi pour les usagers résidentiels, n’exclut pas la possibilité d’allouer les coûts appropriés aux classes tarifaires selon leur incidence sur l’accroissement des coûts. Cette décision ouvre donc la porte à des augmentations tarifaires différenciées par catégorie d’usagers.

Mais la Régie décidait de surseoir à l’application de cette règle pour l’année tarifaire 2007. Elle demandait qu’une proposition soit faite au dossier tarifaire pour 2008. Hydro-Québec Distribution présente donc un tel scénario, mais s’en remet à la Régie pour la décision finale. Selon ce scénario, les augmentations tarifaires en 2008 pour les résidentiels seraient de 4,4 % alors que les industriels subiraient une augmentation de 1,4 % quant à eux.

Au-delà de considérations strictement relatives à l’évolution des coûts de desserte attribuables à chaque catégorie de consommateurs, l’organisme de réglementation doit aussi prendre en compte d’autres critères comme la capacité de payer et éviter tout choc tarifaire.

Une augmentation de 2,9 %, si l’on tient compte de l’inflation, ne représente que 0,9 % en termes réels. En 2007, avec une consommation de 26 484 kWh par année, la maison unifamiliale moyenne chauffée à l’électricité avait une facture mensuelle de 152 $.

Quand vient le temps de partager entre les catégories d’usagers l’augmentation des tarifs requise pour rencontrer les revenus requis du distributeur, le régulateur doit considérer trois facteurs: tendre vers l’établissement de tarifs qui reflètent prospectivement les coûts, éviter tout choc tarifaire (donc, des augmentations graduelles) et tenir compte de l’élasticité des prix. La règle du pouce est à l’effet qu’aucune catégorie tarifaire ne devrait avoir une augmentation qui dépasse de 1,5 à 2 fois l’augmentation moyenne de toutes les catégories tarifaires confondues. Pour 2008, cette moyenne est de 2,9 %.

L’AQCIE propose donc que la Régie applique sa décision à l’effet que l’évolution des coûts occasionnés par chaque catégorie tarifaire soit reflétée dans les tarifs. Pour les seules années 2007 et 2008, c’est 100 M $ de plus d’interfinancement, qui est assumé par les autres classes tarifaires à l’avantage du résidentiel et de ces 100 M $, les industriels en assument 48 M $.

Si la Régie retenait ce scénario, les augmentations qui auraient cours au 1er avril 2008 seraient de 5,3 % pour le résidentiel et 0,4 % pour les grands industriels. Si nous appliquons la règle du pouce décrite plus haut, l’augmentation de 5,3 % représente 1,8 fois l’augmentation moyenne de 2,9 % proposée par le distributeur.

En excluant l’inflation, c’est une augmentation de 3,3 % en termes réels. Selon ce scénario, la maison unifamiliale moyenne chauffée à l’électricité verrait sa facture mensuelle moyenne passer de 152 $ à 160 $.

Une telle décision doit également tenir compte du contexte dans lequel les entreprises évoluent au Québec :

• le dollar canadien fait déjà très mal aux entreprises qui exportent1
• de plus en plus d’économistes parlent de récession du côté américain,
• les fermetures d’usines ou les ralentissements de production2 sont   monnaie courante.

Face à cela, il est grand temps qu’un message clair soit envoyé pour non seulement donner un répit aux entreprises, mais pour promouvoir la conservation de l’énergie auprès des consommateurs québécois en envoyant un signal de prix, qui se rapproche des vrais coûts de l’électricité.

1 Selon l’ISQ, en septembre 2007 les exportations ont diminué de 2,9 % pour 5, 6 G $ et sur une base annuelle pour 2007, c’est une diminution de 4,0 % pour 54,7 G $. Les principaux secteurs affectés sont l’agriculture, le bois et les avions.

Selon EDC, la croissance des exportations au Québec diminuera de moitié, passant de 2,7 % en 2007 à 1,4 % en 2008.

2 Selon le Congrès du travail du Canada, pour la période 2002-2007, il s’est perdu 288 300 emplois manufacturiers au Canada dont 130 400
au Québec.


Des surplus énergétiques qui coûtent cher à gérer

Depuis 2006, Hydro-Québec Distribution a de l’énergie à revendre !

L’exercice d’appariement de l’offre et de la demande n’est pas un exercice facile. Les décisions doivent se prendre dans une perspective de long terme, alors que les aléas, eux, se produisent dans le court terme. C’est ainsi qu’Hydro-Québec Distribution (HQD) se retrouve depuis 2006 avec des surplus énergétiques qui doivent être revendus sur les marchés. Ces surplus sont occasionnés principalement par une diminution de la demande des grands industriels (fermeture de Norsk Hydro, ralentissement dans les pâtes et papiers) et dans une certaine mesure par un climat plus doux que la normale.

Dans le bon vieux temps, alors que toutes les activités d’Hydro-Québec étaient intégrées, les réservoirs offraient une marge de manoeuvre qui permettait d’entreposer les surplus (en ne turbinant pas l’eau des réservoirs) et d’en disposer quand les conditions de marché étaient favorables. Cette flexibilité n’est pas disponible pour HQD, qui doit s’approvisionner, au-delà de l’électricité patrimoniale, par des ententes à long terme, qui interviennent après un processus d’appel d’offre et, dans une moindre mesure, sur les marchés de court terme.

Le coût moyen de ces approvisionnements est de 8,6 ¢/kWh pour 2007 et 2008. Pour donner une idée de l’ampleur des surplus, il y en avait 0,9 TWh en 2006. Ce sont respectivement 3,5 et 5,6 TWh pour 2007 et 2008. Les surplus de 2008 pourraient même augmenter à 11,8 TWh si un hiver doux couplé à un ralentissement plus marqué de la demande industrielle se matérialisaient.

Pour disposer de ces surplus, plusieurs stratégies sont possibles, dont transiger sur le DAM (Day Ahead Market) ou le HAM (Hour Ahead Market) du NYISO (New York Independant System Operator) ou du ISONE (New England Independant System Operator), procéder par des encans auprès de contreparties ou encore suspendre les livraisons de l’énergie négociées en vertu des contrats de long terme. Ces divers scénarios ont été présentés devant la Régie de l’énergie, une première fois au printemps dernier pour les surplus de 2007 et une deuxième fois ce mois-ci pour ceux de 2008.

Alors, quand vient le temps de revendre ces surplus sur les marchés, le distributeur est tributaire des conditions de marché qui y prévalent. Et, comme l’AQCIE l’a signalé à juste titre, plus on exporte moins c’est payant. Fort de son expérience de 2007, HQD soumet que les prix obtenus sont fonction des quantités mises en marché.

Nous avions également souligné la problématique de la capacité des interconnexions, et là encore, l’expérience de la revente de 2007 par HQD confirme cet état de fait. La seule vente exécutée sur l’interconnexion de la Nouvelle Angleterre, a dû être ré-aiguillée à la dernière minute. D’ailleurs ce fut la seule vente qui y a été effectuée depuis 2004.

Tout compte fait, c’est 6 ¢/kWh qui a été obtenu comme prix moyen pour la revente des surplus en 2007, soit une perte de 2,6 ¢/kWh1. Nous sommes bien loin du scénario retenu par la Régie, qui estimait les profits potentiels de la revente entre 36 et 39 M $. D’ailleurs, HQD avait proposé à ce moment-là de suspendre les livraisons d’Hydro-Québec Production, et ce sans pénalité.

Pour 2008, doit-on revendre les surplus ou encore suspendre les livraisons ? Il est question cette fois-ci de suspendre celles de TransCanada Energy (TCE), en l’indemnisant de toutes pertes et manques à gagner.2 Sauf qu’en 2008, les volumes à disposer sont plus significatifs et les conditions de marché se sont détériorées par rapport à 2007, si on compare les « forwards ». Le prix moyen anticipé par HQD serait de 5,5 ¢/kWh.

Évidemment, nul ne peut prévoir l’avenir et l’exemple de 2007 est frappant sur ce point. Les sommes en jeu sont cependant plus importantes en 2008 eu égard aux volumes qui devront être transigés, et c’est une perte potentielle de 3,1 ¢/kWh pour la revente.

L’évaluation de chacun des scénarios est plutôt complexe et fait appel à de nombreuses prévisions qui pourraient très bien ne pas se réaliser. L’AQCIE considère que l’approche à retenir est celle qui offre le moins de risque d’une hausse de tarifs pour les consommateurs. Cet avis, d’ailleurs partagé par certains groupes environnementaux et de consommateurs, est à l’effet de suspendre les livraisons de TCE. Cette suspension élimine 80 % des surplus qui devront être revendus sur les marchés, fixe immédiatement la majeure partie des coûts estimés à 54 M $3 , réduit la pression sur l’offre et préserve une marge de manoeuvre dans l’éventualité d’un accroissement significatif des surplus à revendre si un scénario de demande plus faible se produit.

Incidemment, nous ferons encore face à cette problématique en 2009 alors que les surplus sont estimés à 2,9 TWh selon un hiver normal et une progression de 0,9 % des activités industrielles.


1 Selon les chiffres du dossier tarifaire tels que présentés en août dernier. Ces chiffres seront mis à jour en cours d’audience.

2 TCE fournit l’électricité à HQD en base (de façon continue) selon un coefficient de 91,5 %.

3 Les coûts susceptibles de varier sont ceux relatifs à la production de vapeur du client de TCE qui sont associés au volume et au prix du gaz, au remplacement des 500 MW de puissance prévus au contrat de TCE pour les mois de janvier et février 2007, au tarif de Gaz Métro et à la revente du bloc résiduel des surplus de 1,3 TWh sur les marchés.


Revue de presse

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