MARS 2011  
VOLUME 5 | NUMERO 1  
 
   
 
Nicolas Dalmau Mot du président

Le Québec à l'orée d'une seconde vague d'industrialisation

Par Nicolas Dalmau

Président du Conseil de l’AQCIE et
Directeur, Énergie et développement stratégique,
Alcoa Canada


Le projet de la Romaine d'Hydro-Québec fait couler beaucoup d'encre, tout comme le Plan Nord du gouvernement du Québec, dont les éléments devraient être présentés plus en détails au cours des prochains mois. Mais il est déjà assuré que ce plan intégrera des propositions hydroélectriques.

Avons-nous besoin d'autant d'électricité ?
Le débat est engagé sur le besoin qu'aurait réellement le Québec de tant d'énergie. Si cette dernière ne serait pas exportée à perte et s'il ne vaudrait pas mieux intégrer les « négawatts » à notre portefeuille énergétique, en plus d'ouvrir la porte toute grande à l'éolien, au solaire et à la géothermie profonde, pour ne nommer que ces sources alternatives d'énergie.

La réponse est simple : oui
Oui, il faut faire de l'économie d'énergie, une voie sur laquelle nos membres comptent parmi les entreprises les plus avancées au Québec et en Amérique du Nord.

Oui, il faut faire de l'énergie éolienne, dans la mesure où les fluctuations qui lui sont propres puissent s'intégrer au réseau. Oui aussi au solaire et à la géothermie profonde, au rythme où les technologies, les modèles économiques et l'acceptation de la société le permettent.

Et oui, il faut construire la Romaine et les autres projets du Plan Nord qui seront viables sur les plans environnemental et économique.

La Romaine, ce n'est pas pour 2011
Cela fait beaucoup d'électricité, à l'évidence, mais son arrivée sur le marché s'échelonnera forcément dans le temps. Ainsi, les premiers kWh provenant de la Romaine ne seront sur le réseau qu'en 2015 et ce n'est pas avant 2020 que l'ensemble du complexe la Romaine (1-4) sera en service. L'horizon d'éventuelles centrales associées au Plan Nord est encore plus éloigné. Il n'est donc pas impensable que les prix à l'exportation auront alors rejoint le seuil de rentabilité révisé de 6,4 ȼ dont Hydro-Québec faisait mention dans un récent communiqué. Il est donc peu probable que les Québécois aient à « subventionner » les exportations, comme certains le laissent entendre.

Exporter, oui, mais surtout en profiter ici
Et si l'on parle surtout aujourd'hui d'exporter cette énergie, rien n'empêche d'en faire aussi un usage plus rentable ici-même. En ne prévoyant qu'une modeste percée des véhicules électriques dans la prochaine décennie, cette nouvelle technologie s'associera évidemment à une augmentation de la demande, tant au Québec que dans les marchés limitrophes.

Mais on peut voir encore plus grand. Depuis les tout débuts, la disponibilité de l'hydroélectricité va de pair avec le développement industriel du Québec. On se souviendra que l'énergie rendue disponible par les centrales de la Baie-James aura stimulé une vague d'industrialisation sans précédent.

Les nouvelles perspectives d'approvisionnement peuvent en faire autant. Plusieurs secteurs associés à la disponibilité de l'électricité à prix concurrentiel peuvent connaître une croissance intéressante au Québec, et notamment celui de l'aluminium. L'AQCIE a clairement démontré, et encore dans notre édition précédente de l'Énergique, qu'en ajoutant les retombées directes et indirectes des utilisateurs industriels aux tarifs qu'ils paient pour l'électricité, on obtient une équation résolument gagnante.

Une énergie durable, à valeur ajoutée
Les nouvelles implantations pourront être considérées d'autant plus sérieusement que, dans plusieurs marchés internationaux, on commence à tenir compte de l'empreinte environnementale des produits. Ceux qui seront fabriqués ici, avec une énergie verte et renouvelable, pourraient fort bien se voir accorder une valeur additionnelle qui compenserait en partie la compétitivité déjà décroissante des tarifs de l'électricité.

Et, en définitive, puisque la grande hydraulicité ne peut se développer que sur un certain horizon de temps, et que la vie utile de ces ouvrages s'inscrit elle aussi dans le long terme, sa pertinence doit être évaluée sur pareil horizon, pas seulement sur les conditions actuelles du marché.

Un choix d'avenir
Alors, avons-nous besoin au Québec d'une nouvelle vague d'industrialisation, dans le respect du développement durable ? Poser la question c'est y répondre. Les caractéristiques socio-économiques du Québec, notamment l'essentielle dynamisation des régions et la réponse aux défis qu'entraîne le vieillissement de la population, exigent une plus grande création de richesse, une richesse dont le Québec ne peut tout simplement pas se passer. L'hydroélectricité fait partie de son apanage, elle doit être mise à contribution.


À votre agenda

Quoi : L'Assemblée générale de l’AQCIE
Quand : Le 24 mars, de 8 h 00 à 12 h 00,
le petit-déjeuner sera servi à 8 h 30 et l'assemblée sera suivie d'un dîner
Où : Hôtel Vogue
1425, rue de la Montagne
Salon Paris II
Pourquoi : Discuter de nos stratégies de communication et de représentation, de nos orientations budgétaires et des décisions de la Régie de l’énergie qui touchent les activités de nos membres
Pour qui : Bienvenue à tous les membres de l'AQCIE, et surtout à nos nouveaux membres du « tarif M » !

image Trouvez l'erreur :
Quand Hydro-Québec veut économiser... sur les économies d'énergie


Par Luc Boulanger

Directeur exécutif, AQCIE


Il est navrant de voir Hydro-Québec chercher à réduire la portée des programmes d'efficacité énergétique, en excluant arbitrairement des clients qui participent à leur financement, et surtout des clients sans les efforts desquels le Distributeur ne saurait atteindre son objectif de réduction de 11 TWh à l'horizon de 2015. Seul un monopole peut se permettre une telle logique. Aucune de nos sociétés membres n'oserait même songer à agir de la sorte avec ses plus grands clients.

Et c'est pourquoi il est encore plus navrant de voir la Régie de l'énergie tomber en accord avec le Distributeur, dans sa décision du 9 mars sur la Demande relative à l'établissement des tarifs d'électricité pour l'année tarifaire 2011-2012. On se souviendra que les détenteurs des contrats spéciaux ont participé depuis le début aux divers programmes d'efficacité énergétique, tout comme les autres catégories d'usagers d'ailleurs. En entérinant la position du Distributeur, la Régie décide en fait que ces activités ne sont pas réglementées. Force est de constater que le passé n'est pas garant de l'avenir !

Nous avons déjà traité de l'exclusion des titulaires de contrats spéciaux de certains programmes du Plan global d'efficacité énergétique (PGEÉ) dans notre dernier bulletin (L'Énergique, décembre 2010, dans la section Quoi de neuf à la Régie), mais j'estime qu'il vaut la peine d'y revenir, à la lumière de la décision décevante de la Régie.

Deux motifs mal fondés
Pour l'essentiel, le Distributeur avait décidé d'exclure de certains programmes du PGEÉ tous les titulaires de contrats spéciaux sur les motifs que : 1) leurs efforts d'économie d'énergie ne se traduisaient pas par des baisses nettes de consommation, et 2) de toutes façons, ces clients étaient tenus par lesdits contrats à pratiquer l'économie d'énergie.

Une baisse de consommation par unité produite est une baisse réelle
Même si la consommation totale d'un titulaire de contrat spécial fluctue peu, ce qui d'ailleurs constitue un avantage pour le Distributeur, toute réduction de consommation par unité produite évite ou reporte la demande de blocs supplémentaires d'électricité, tout en préservant, grâce à cette compétitivité accrue, les emplois et les autres retombées économiques de l'entreprise productrice.

Pour ces consommateurs d'électricité, comme pour les autres, les mesures d'efficacité énergétique rentables en elles-mêmes peuvent se réaliser sans recours aux programmes du Distributeur. Ces programmes servent donc à la mise en œuvre de mesures qui ne rencontrent pas les critères de rentabilité utilisés en usine, mais qu'il est tout de même souhaitable d'implanter pour favoriser le développement durable et la qualité de l'environnement. En pareille situation, il est tout à fait normal qu'une incitation financière soit offerte, une aide que les titulaires de contrats spéciaux financent d'ailleurs en partie.

L'ajout d'une clause dans un contrat n'invalide pas l'ensemble des contrats
Sous le prétexte qu'une clause d'engagement à l'efficacité énergétique, bien plus incitative que coercitive, avait été ajoutée à un seul des contrats spéciaux, Hydro-Québec s'estime justifiée d'exclure tous les titulaires de contrats spéciaux de certains ses programmes. Il y a là erreur en droit, car, à moins que ces contrats ne mentionnent clairement que leurs titulaires deviennent inadmissibles à certains programmes, et bien ces titulaires demeurent tout simplement admissibles.

L'AQCIE persiste et signe
Nous demeurons convaincus que cette exclusion des titulaires de contrats spéciaux de certains programmes d'efficacité énergétique est non seulement injustifiée, mais qu'elle est tout bonnement injuste. Si cette manche semble s'être conclue en notre défaveur, la Régie et le Distributeur n'en ont pas moins appris que nous nous opposons vivement à de telles mesures marquées au sceau de l'arbitraire, et que nous nous opposerons avec autant de vigueur à toute nouvelle tentative


image Parlons d'efficacité énergétique


Par Carl Yank

Directeur de l'usine, ERCO Mondial


En physique et en génie mécanique, l'efficacité énergétique est un nombre sans dimension, un rapport entre l'énergie pouvant être utilement récupérée d'une machine et celle dépensée pour la faire fonctionner. Pour un moteur par exemple; une efficacité de 1 (100 %) est impossible, en vertu même du 2principe de la thermodynamique (toute transformation réelle s'effectue avec création d'entropie).

D'un point de vue moins froidement scientifique, l'efficacité énergétique se rapporte aussi à l'utilisation de techniques ou de pratiques qui réduisent l'utilisation d'énergie tout en produisant un résultat équivalent. Pour les consommateurs industriels d'énergie, c'est surtout cela, mais c'est aussi beaucoup plus.

Car l'efficacité énergétique est aussi synonyme de compétitivité, d'innovation, de fierté, de leadership et de développement durable, autant de thèmes qui se retrouvent dans les définitions et les valeurs que les entreprises associent à cette activité essentielle. À cet égard, nos valeurs rejoignent celles de la société québécoise et nos efforts vont dans le même sens que ceux déployés par les gouvernements et par Hydro-Québec pour encourager et appuyer les initiatives d'efficacité énergétique.

Pas étonnant alors que plusieurs des membres de l'AQCIE soient également membres du réseau Écolectrique d'Hydro-Québec, qui regroupe les grandes entreprises reconnues pour leur leadership et leur performance exceptionnelle en matière d'efficacité énergétique. Et nous comptons même dans nos rangs le seul membre élite de ce réseau : ABI - Aluminerie de Bécancour.

C'est pourquoi nous serons fier de partager avec vous nos réflexions sur cet important sujet, tout comme nos réalisations, dans une série d'articles qui commencera à paraître dès la prochaine édition de l'Énergique.

Usine ABI
ABI - Aluminerie de Bécancour


 

QUOI DE NEUF À LA RÉGIE

Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE



Une décision courageuse... qui aurait dû l'être encore un peu plus
Dans un contexte où journalistes, commentateurs et économistes de toutes chapelles préparent la population à une hausse des tarifs de l'électricité, jugés trop bas en fonction du coût marginal de production, d'une part, et pour envoyer un signal de prix propre à stimuler l'économie d'énergie*, d'autre part, il fallait un certain courage pour s'en tenir aux principes de la réglementation comme l'a fait la Régie de l'énergie dans sa récente décision.

Il aurait cependant été difficile de faire autrement, puisque la règle élémentaire veut qu'à une diminution des coûts du Distributeur corresponde une diminution des tarifs. Mais pour constater cette diminution, il fallait que la Régie refuse le stratagème du compte temporaire de maintien des tarifs mis de l'avant par le Distributeur. Déjà en 2006, la Régie avait déterminé que le Distributeur ne pouvait employer un tel subterfuge qui, en cette occurrence, visait exactement le contraire de ce qu'il recherchait cette année, en proposant plutôt de « lisser » les hausses de ses coûts afin d'étaler dans le temps une augmentation uniforme des tarifs.

La règle est maintenant claire, la comptabilisation hâtive de dépenses futures pour maintenir les tarifs, ou le report de frais pour éviter leur augmentation, ne sont tout simplement pas acceptables.

Ainsi, la Régie a décrété une baisse de 0,4 % des tarifs d'électricité, provenant pour moitié du refus de ce compte temporaire de frais reportés et, pour une autre moitié, d'économies dont Hydro-Québec bénéficie avec la baisse des taux d'intérêt de long terme alors que le financement de sa dette et la rémunération de son avoir propre coûtent moins cher. Le Distributeur est cependant invité à faire un autre exercice de réduction de ses charges d'exploitation, exercice que la Régie recommande fortement de poursuivre en 2012.

Comment comprendre, alors, que la Régie arrête en si bon chemin, faisant de nouveau de la réglementation par exception en acceptant la charge exceptionnelle d'amortissement du compte de nivèlement pour aléas climatiques demandée par Hydro-Québec ? Tout en admettant qu'il n'y a pas lieu de modifier ni le principe réglementaire de ce compte, ni son fonctionnement, la Régie approuve néanmoins une charge exceptionnelle de plus de 30 millions $, dont nous cherchons toujours le début d'une justification. À elle seule, cette décision prive tous les Québécois d'une réduction additionnelle de 0,3 % des tarifs.

Si la décision « historique » de la Régie d'imposer une diminution des tarifs témoigne en effet d'un certain courage, l'application inflexible de cette même logique aurait plutôt dû se traduire par une réduction de 0,7 %. Mais, merci tout de même pour le 0,4 % !

* Dans sa réponse à la décision de la Régie parue le 11 mars dans La Presse et intitulée « Énergie : la vraie braderie » , le chroniqueur Alain Dubuc écrivait notamment : « Le résultat (de la décision de la Régie) est aberrant. Pour l'environnement, pour le déploiement des meilleures stratégies énergétiques, pour la façon dont le Québec tire profit de ses ressources.

Le message qu'envoie cette baisse est incohérent. Les politiques énergétiques doivent d'abord reposer sur la conservation, réduire la consommation et éliminer le gaspillage. Une baisse des tarifs, aussi modeste soit-elle, n'encourage pas les changements d'habitudes. Elle ne favorise pas non plus le développement de sources d'énergie moins intrusives ou le recours à des investissements dans les économies. »

Hydro-Québec devra battre en « retraite », mais seulement en 2012
Dans le mémoire que nous avons déposé devant la Régie sur la cause tarifaire, nous demandions que les provisions demandées par le Distributeur pour couvrir d'éventuelles contributions aux régimes de retraite de ses employés soient calculées de façon plus rigoureuse, afin d'assurer que la clientèle ne soit pas pénalisée par ces montants difficiles à prévoir et souvent importants.

La preuve de l'expert Robert D. Knecht, d'Industrial Economics, qui accompagnait notre mémoire, semble avoir contribué à convaincre la Régie du bien fondé de cette requête. Elle demande en effet, au paragraphe 148 de sa récente décision « au Distributeur de créer un compte d'écarts et d'y porter la différence entre les coûts encourus et ceux autorisés pour le coût de retraite, à compter de l'année témoin 2011. La Régie lui demande de présenter les composantes et les modalités de disposition de ce compte lors du prochain dossier tarifaire. »

Seule ombre au tableau, nous avions demandé une application rétroactive de cette mesure à l'année 2010, afin de corriger d'importants écarts constatés entre la provision et les cotisations additionnelles réelles du Distributeur. Il nous faut donc accepter que ces montants passent « aux profits et pertes » !

Le tarif M conserve son deuxième palier
La Régie prend acte dans cette même décision du fait qu'Hydro-Québec reporte à une cause tarifaire ultérieure la révision du tarif M, à la lumière de l'augmentation prévue, dans la Loi 100, du tarif de l'électricité patrimoniale à compter de 2014 et des représentations que nous avons faites sur les graves conséquences de l'abandon du second palier du tarif M dans le secteur agroalimentaire québécois.

Décision sur la gestion du risque de crédit des grandes industries
Certains de nos membres se souviendront que lorsqu'Hydro-Québec a confié la gestion des risques de crédit à ses services internes, plutôt qu'à son délégué commercial, un resserrement manifeste des conditions s'est rapidement fait sentir, allant de pair avec un manque évident d'intérêt envers la négociation. La requête déposée l'an dernier par le Distributeur sur ce même sujet contenait des mesures nettement disproportionnées et, cela pourrait sembler une manie, la proposition de créer un compte de frais reportés qui lui permettrait de refiler à sa clientèle l'ensemble de ses risques de crédit.

La récente décision de la Régie sur ce sujet répond pour l'essentiel à nos demandes, dont je faisais mention dans l'article « Être en affaires comporte des risques », paru dans notre dernier bulletin. Ainsi, la Régie retranche ce que la demande du Distributeur avait d'arbitraire en lui demandant d'établir une codification, sur des bases valides et vérifiables, afin de gérer adéquatement son risque de crédit relatif à la clientèle industrielle. Et la Régie refuse à nouveau la création du compte de frais reportés !

 
 

 
  L’Énergique est le bulletin d’information de l’AQCIE. Il est publié quatre fois par année à l’intention des membres et partenaires de l’Association. Toute reproduction est autorisée à condition d’en mentionner la source et de nous en informer au dg@aqcie.org