JUIN 2011
VOLUME 5 | NUMERO 2
 

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Nicolas Dalmau Mot du président

Sale temps sur la planète1, mais pourquoi pas une embellie au Québec ?

Par Nicolas Dalmau

Président du Conseil de l’AQCIE et
Directeur, Énergie et développement stratégique,
Alcoa Canada


Il y a déjà près de trois ans que s’est produit le cataclysme boursier, et pourtant les signes de la véritable reprise sont régulièrement contredits par de mauvaises nouvelles, dont on ne semble jamais être en rupture de stock.

Chez nos voisins du sud, seulement :

  • L'indice S&P/Case-Shiller du marché de l'immobilier accuse un nouveau recul pour le premier trimestre 2011, ce qui constitue le neuvième repli mensuel consécutif du prix des maisons. Les prix ont chuté de 33 % par rapport au pic de 2006, alors qu’ils n’avaient dégringolé que de 31 % lors de la Grande Dépression.
  • L’indice ISM2 manufacturier a enregistré son recul le plus important depuis janvier 1984 aux États-Unis. L’indice se situe à 53,5 accusant un recul de 6,9 points entre avril et mai et se retrouve ainsi à son niveau le plus bas depuis septembre 2009.
  • Le relèvement du plafond de la dette publique a été fermement rejeté, à 318 voies contre 97 lors d'un vote à la Chambre des représentants.
  • Le plus inquiétant demeure l'emploi. Le secteur privé américain n’a créé que 38 000 emplois nets en mai, une chute de 79 % par rapport au mois précédent. Malgré ce solde positif, on se retrouve bien loin derrière les attentes des économistes dont le consensus anticipait la création de 175 000 emplois nets. En conséquence, le premier juin, la bourse américaine chutait de 2,2 %, affichant sa plus forte baisse en dix mois.

Les nouvelles ne sont pas particulièrement réjouissantes dans la zone Euro non plus, où Moody's vient d’abaisser la cote de la dette publique de la Grèce à Caa1, un niveau présentant un risque réel de non-remboursement. Sans parler de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne...

Selon John Mauldin et Jonathan Tepper, coauteurs de Endgame: The End of the Debt SuperCycle and How It Changes Everything, nous n’avons pas vécu une « autre » récession, les pays développés se trouvent plutôt au bout d'un « supercycle de dette ». Depuis 60 ans, et plus particulièrement au cours des 20 dernières années, consommateurs, banques et gouvernements du « monde développé » se sont endettés comme si demain n'existait pas. La sortie de crise ne se fera qu’au prix d’un remboursement d’une partie importante de cette dette et, bien qu’il s’agisse de la seule chose sensée à faire, quand on paye des dettes, on dépense moins et l'économie ralentit.

La Terre n’arrête pas de tourner pour autant et la situation est sensiblement différente dans certains pays émergents, où la crise a plutôt pris l’allure d’un sérieux « dos d’âne » qui a ralenti la croissance sans pour autant la stopper. Nous en sommes même arrivés à un point où plus du quart des titres du trésor des États-Unis3 est détenu par la Chine. Ce glissement du pouvoir économique des pays « développés », avec en tête les États-Unis, vers les pays émergents, et par-dessus tout la Chine, nous réserve encore de nombreuses surprises. Il devient clair que le monde d’après la crise de 2008 sera sensiblement différent de celui d’avant.

Mais, même pour les pays émergents, nous ne pourrons parler d’« après-crise » qu’une fois la capacité de consommer des pays développés partiellement rétablie, car le progrès des pays émergents dépend lui aussi dans une bonne mesure de la reprise de cette consommation.

Et au Québec pendant ce temps...
Bien que le ciel soit passablement voilé, tout n’est pas uniformément sombre sur la planète et la demande mondiale commence à reprendre pour plusieurs de nos produits d’exportation.

Certes, le contexte actuel commande que les industriels, le gouvernement et les syndicats travaillent de concert pour non seulement maintenir, mais améliorer notre position concurrentielle sur l’échiquier mondial. Et nous devons surtout tirer pleinement avantage de nos atouts, car nos concurrents utilisent les leurs sans réserve.

L’hydroélectricité est l’un de nos plus grands atouts et, pour la grande entreprise consommatrice d'électricité, des tarifs stables, prévisibles et compétitifs demeurent un facteur de maintien des activités, de croissance et même de localisation pour les nouvelles implantations.

Cependant, l’appréciation du dollar canadien a, à elle seule, fait diminuer de 30 % la compétitivité du tarif L au cours des dix dernières années, sans qu’Hydro-Québec ne puisse rien y faire. Et cette perte de compétitivité affecte aussi le prix de nos produits finis et semi-finis. Alors que faire, surtout lorsque des tarifs autrement plus attrayants sont offerts en de nombreux autres endroits de la planète ?

Québec sait faire !
En ces temps moroses, il est très encourageant de voir poindre des projets de grande envergure à l’horizon, comme l’ambitieux Plan Nord annoncé récemment par le gouvernement du Québec, que l’AQCIE applaudit.

Mais on peut aussi faire beaucoup, au quotidien, en optimisant nos forces et en resserrant nos liens. Le gouvernement du Québec, la Régie de l’énergie du Québec et Hydro-Québec doivent prendre acte que la compétitivité du tarif L est désormais insuffisante. Au minimum, l’on doit s’assurer non seulement qu’il ne connaisse aucune hausse abrupte, mais que sa progression soit la plus faible possible et qu’elle soit prévisible sur un horizon d’au moins 10 à 15 ans.

Les conditions d’application et de modulation du tarif L pourraient être assouplies afin de livrer concurrence aux juridictions nord-américaines, nos voisins, qui rehaussent ainsi la compétitivité des entreprises établies chez elles.

Nous pouvons aussi gagner des points, sur le plan de la compétitivité globale, en instaurant des programmes d’efficacité énergétique et des partenariats technologiques qui mettent en commun les ressources, l’innovation et les activités de R et D de calibre mondial d’Hydro-Québec et de ses clients industriels.

Si le tarif L ne peut à lui seul livrer concurrence, assurons-nous de mettre tout en œuvre pour que l’hydroélectricité demeure un avantage incontournable du Québec. Créons de la richesse dès maintenant, protégeons nos emplois et contribuons, dans toute la mesure de notre capacité collective, à l’avenir des prochaines générations.

Beau projet non ? Ça vaut mieux que de se contenter de dire que le ciel est couvert !

  1. Tiré de la chanson « Le monde est sourd » de Francis Cabrel, Hors-Saison, 1999
  2. L’indice ISM, qui mesure le degré d'activité manufacturière, est largement utilisé et considéré comme fiable. Il est représentatif d'une période de croissance économique soutenue lorsque sa valeur se maintient substantiellement au-dessus de 50.
  3. Sources : U.S Department of Treasury; Daily Mail Online : How China owns $1.2TRILLION of American deficit

Olivier Charest, nouvel analyste pour l’AQCIE et le CIFQ

Olivier CharestDétenteur d’une maîtrise en sciences économiques de l’Université de Montréal et membre du Barreau du Québec, Olivier Charest est le nouvel analyste dont les travaux étaieront les représentations que font conjointement l’AQCIE et le Conseil de l’industrie forestière du Québec devant la Régie de l’énergie.

Avocat en droit de l’énergie, de l’environnement et des changements climatiques, il a exercé chez Fasken Martineau où, au cours des deux dernières années, il a principalement travaillé à des dossiers relatifs à l’électricité devant la Régie de l’énergie du Québec. Olivier Charest a également eu l’occasion de se familiariser avec le secteur de l’électricité en procédant à des vérifications diligentes dans le cadre du financement ou de l’acquisition d’actifs de production d’électricité au Québec et en Ontario.

Sa double formation de juriste et d’économiste, et sa connaissance du secteur de l’électricité, constituent autant d’atouts pour la défense des intérêts des sociétés membres de l’AQCIE et du CIFQ. Bienvenue !


image Stratégie énergétique du Québec :
Une révision s’impose


Par Luc Boulanger

Directeur exécutif, AQCIE


L’AQCIE était récemment invitée par la Table de concertation de la chimie, de la pétrochimie et du raffinage à se pencher sur la situation concurrentielle du Québec pour l’investissement, et sur les conditions qui permettraient de rehausser cette situation, afin d’attirer les investissements structurants non seulement à l’égard de nouvelles implantations industrielles, mais aussi de projets qui permettraient aux grandes entreprises établies ici d’assurer leur pérennité, leur croissance et la création de richesse à long terme.

Nous vous aviserons par envoi distinct de la disponibilité prochaine de ce document synthèse, dont je vous trace ici quelques-unes des lignes de force. Nous y constatons d’abord que la compétitivité des tarifs de l’électricité s’est détériorée. Si, pendant des décennies, la disponibilité à prix avantageux de cette ressource a permis un développement presque symbiotique de cette filière énergétique et des industries qui en sont d’importantes consommatrices, tel n’est plus le cas.

Une perte de compétitivité qui fait mal
Le tarif L se présente comme étant avantageux dans le contexte nord-américain mais, lorsque l’on tient compte des différentes options tarifaires disponibles ailleurs, il est déjà possible de trouver mieux à l’échelle continentale. Et à l’échelle mondiale, là où se situe le véritable lieu de la concurrence des sociétés mères de nos grandes entreprises, le tarif L est en voie de glisser du deuxième au troisième quartile.

En pareilles circonstances, il devient nécessaire qu’Hydro-Québec et la Régie de l’énergie du Québec travaillent de concert avec les grandes entreprises consommatrices d’électricité pour développer une plus grande souplesse tarifaire qui fait actuellement défaut. De plus, Hydro-Québec dispose de connaissances, de savoir-faire de calibre mondial et de technologies de fine pointe, dont elle pourrait faire bénéficier les grandes entreprises établies au Québec, dans le développement d’un véritable esprit de partenariat qui profiterait à tous.

La nouvelle donne qui s’annonce dans l’exploitation des énergies fossiles au Québec, un élément absent de la stratégie énergétique 2006-2015, exigerait à elle seule que cette stratégie soit revue. Et la perte de compétitivité du tarif L rend cette révision d’autant plus urgente. Il s’agit là d’une condition essentielle, mais insuffisante, au rétablissement de la compétitivité du Québec au chapitre des investissements industriels structurants.

Ne pas oublier que le développement fait partie de l’équation du développement durable
De nouveaux droits, taxes et frais d’utilisation imposés par différents ministères témoignent parfois d’un fonctionnement en silo tout à fait néfaste à l’investissement.

On peut penser par exemple, au nouveau Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau. Le premier palier d’imposition est de 20 fois supérieur à celui de l’Ontario. Comment expliquer un tel zèle, alors que le gouvernement du Québec a assuré les entreprises d’une harmonisation de sa règlementation à celle de l’Ontario ? Au cours des dernières années, et il semble s’agir là d’une tendance lourde dans la réglementation au Québec, les niveaux d’imposition clairement identifiables, comme l’impôt sur les revenus ou la taxe sur la masse salariale, demeurent stable ou diminuent graduellement pour être remplacés par une foule de redevances, de taxes spécifiques ou de droits dont le cumul fait parfois plus mal que la réglementation originale.

Or, si les ministères qui les imposent varient, le payeur, lui, demeure toujours le même. La perte de compétitivité et la complexification de la structure « fiscale » deviennent des irritants qui ont un effet dissuasif sur l’investissement. À l’heure de la mondialisation, les grandes entreprises ne peuvent plus être prises pour acquises, malgré l’importance de leurs infrastructures. Elles ont toujours le choix de demeurer, de cesser les investissements structurants pour éventuellement quitter, ou de ne pas venir du tout au Québec.

Le gouvernement, et les citoyens, sont en droit d’exiger que les entreprises entretiennent avec eux un dialogue soutenu, ouvert, transparent et constructif – notamment par leur engagement à gérer leurs installations de façon responsable et respectueuse de l’environnement. La réciproque exige cependant que le gouvernement, et les citoyens, apprécient l’importance des entreprises dans le maintien de la qualité et du niveau de vie des Québécois. Cette appréciation doit se manifester par l’offre de conditions d’exploitation et d’investissement concurrentielles et par une certaine ouverture d’esprit des citoyens à l’égard des conditions d’exploitation et des projets des entreprises.


image Le soutien de l’efficacité énergétique ne peut se résumer à des vœux pieux


Par Carl Yank

Directeur de l'usine, ERCO Mondial


Fier des réalisations en efficacité énergétique des industries québécoises, c’était avec grand plaisir que j’ai accepté d’écrire une série d’articles sur l’importance de ces initiatives pour les consommateurs industriels d’électricité. Depuis ce temps, mon enthousiasme a été tempéré par deux mesures qui empêcheront certains projets de voir le jour, par manque de soutien financier.

La mise en œuvre des nouvelles technologies sur lesquelles se fondent les améliorations en efficacité énergétique nécessitent souvent un soutien financier. L’implantation des éoliennes en est un exemple. Mais une fois en place, elles apportent des gains qui dépassent l’économie des électrons, permettant l’avancement de nouvelles technologies sur le sol québécois, qui sont souvent source de gains en productivité et en compétitivité.

La première de ces mesures décevantes est la refonte des programmes de soutien aux projets d’efficacité énergétique des entreprises industrielles dans une nouvelle offre intégrée d’Hydro-Québec. Cette refonte semblait à première vue très positive, particulièrement pour l’amélioration de l’ancien programme PAMUGE qui, par sa complexité et ses contraintes, n’avait pas réussi à trouver un seul projet. Axé sur les grandes initiatives, PAMUGE avait été créé pour soutenir des projets assurant une réduction minimale de 50 GWh/an, avec une aide maximale de 30 M$.

Par contre, le programme d’initiatives industrielles (PIIGE) avait connu un très grand succès depuis sa mise en place, apportant aux plus petits projets une aide maximale, par initiative, de 350 000 $, jusqu’à concurrence d’un soutien à vie de 8 M$ par entreprise. La refonte des divers programmes a apporté certaines améliorations mais l’aide maximale à vie, pour l’ensemble des types d’initiatives a été plafonnée à 8 M$, incluant les sommes dégagées dans les années antérieures. Les entreprises qui avaient déjà mis en œuvre plusieurs petits projets d’efficacité énergétique sous PIIGE, voient ainsi disparaître pratiquement tout soutien à un projet d’envergure.

La deuxième mesure est non seulement décevante, elle est étonnante. En décidant de réduire de 50 % le budget du programme de soutien en efficacité énergétique du Distributeur, la Régie de l’énergie du Québec a, dans les faits, fermé rétroactivement au 1er janvier 2011 toutes les demandes dans trois des six volets du programme s’adressant aux industriels, soit : la modernisation, la démonstration technologique et le mesurage en continu et la gestion de l’énergie. Seul demeure le soutien aux volets mesures prescriptives, nouvelle usine, agrandissement ou ajout de chaîne de production et analyse de la consommation d’énergie électrique.

Comment interpréter une telle réduction du soutien aux initiatives d’efficacité énergétique des industriels, alors même que l’on attend d’eux la contribution la plus importante à l’objectif global d’efficacité énergétique du Québec ? Comment le Distributeur et la Régie peuvent-ils ignorer ce non-sens, à l’heure où les industriels peinent encore à se remettre de la crise économique de 2009, dont les soubresauts n’en finissent plus de finir et que, sans un soutien adéquat, les grandes mesures d’efficacité énergétiques sont un luxe qu’elles ne peuvent tout simplement pas se permettre ?

La réalité trouvera sûrement le moyen de les rattraper, espérons seulement que ce soit avant que nos entreprises n’en ait subi des torts irrémédiables.

Plan global
Source : Hydro-Québec


 

QUOI DE NEUF À LA RÉGIE

Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE



Rien ne va plus dans les programmes d’efficacité énergétique destinés aux grands industriels

En réduisant le budget des programmes destinés à la grande industrie, la Régie met en fait un terme pour cette année aux efforts d’efficacité énergétique dans ce secteur d’activité. Cette décision a semé la consternation chez les grands industriels, alors que nous avions pris pour acquis que les programmes seraient reconduits comme à chaque année.

Afin de sauver les meubles, Hydro-Québec présentait le 6 avril dernier une alternative qui a été rejetée, la Régie estimant qu’il s’agissait là d’une nouvelle preuve et qu’il n’était pas question de rouvrir le dossier à ce sujet. La Régie enjoignait plutôt le Distributeur de se prévaloir de certains outils d’ajustement budgétaire, dont la contingence et la flexibilité tarifaire, en tenant compte que ces « ajustements » devraient faire l’objet d’une approbation dans le dossier tarifaire subséquent.

En raison des montants impliqués, nous apprenions sans surprise qu’Hydro-Québec n’avait pas l’intention de prendre le risque d’engager des sommes qui pourraient ne pas être reconnues dans le prochain dossier tarifaire.

Quant aux industriels, qui appuyaient l’alternative proposée par Hydro-Québec, ils ont souligné à la Régie que ces coupures pourraient entraîner des conséquences non souhaitables, tant pour les entreprises que pour le gouvernement.

Dans les industries, règle générale, lorsqu’un projet porté aux immobilisations de l’année devient incertain, il est tout simplement abandonné au profit d’un autre, qui n’a pas nécessairement de lien avec l’efficacité énergétique, ou encore, ces investissements sont dirigés vers une autre juridiction où le conglomérat est actif, ce qui représente une perte nette pour le Québec.

Il ne faut pas perdre de vue que ces projets d’efficacité énergétique comportent souvent un volet technologique qui, par-delà les économies d’énergie, fait aussi bénéficier les exploitations québécoises d’une technologie de pointe qui améliore notre position concurrentielle.

À la suite de cette décision de la Régie du 28 avril 2011, des pourparlers ont été engagés avec Hydro-Québec dans l’espoir d’élaborer une stratégie qui éviterait l’interruption de toutes les activités d’efficacité énergétique pour l’année en cours. Ces démarches n’ont pas porté fruits. Force est donc de constater que l’impasse demeure totale dans ce dossier, le Distributeur ayant avisé les grands industriels qu’il reportait tous les projets touchés par les coupures de budget dans ces programmes.

 
 

 
  L’Énergique est le bulletin d’information de l’AQCIE. Il est publié quatre fois par année à l’intention des membres et partenaires de l’Association. Toute reproduction est autorisée à condition d’en mentionner la source et de nous en informer au dg@aqcie.org  
     
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